Weda Emery
i'm an enhanced being
i live for the power i create
where the secrets hide
secrets
don't get too close
yeah it's dark inside
yeah it's dark inside
Le ciel parisien se pare progressivement de couleurs orangées, signe qu’il me faudrait bientôt rejoindre ma prison dorée. Après avoir passé l’après-midi dans les rues agitées de la capitale l’envie d’échapper à Versailles se fait plus pressante —là où ça ne m’effleurait pas l’esprit en temps normal, privée du sentiment de manque par l’habitude de l’inconfort. Peut-être est-ce pour cette raison que je me privais moi-même de sorties : mon coeur devient lourd à l’heure du retour à la réalité de ce qu’est ma vie. Une inévitable réclusion. Être spectatrice de la bourgeoise qui ne sort qu’afin d’exposer son nouveau carré de soi, de l’enfant tacheté de boue qui bouscule plusieurs passants dans sa course, de ces jeunes adultes emplis de rêves et de projections, ça retourne. Ca me retourne à la figure ce qui est devenu transparent au détour de l’habitude : que je ne suis rien de plus qu’une mort-vivante. Défaite de perspectives d’avenir car jamais un carré de soi ne suffirait à me rendre ce sentiment qui m’est devenu étranger : la joie. Jamais je ne serai libre de jouer car voilà bien longtemps que je ne compte plus d’amis —et que ceux qui l’étaient n’ont plus le temps à donner à cette chose enfantine qu’est le jeu. Jamais je n’aurai autres projections que celles vaines car les dés sont déjà jetés : ma vie finirait ainsi, muselée par la mort.
Malgré tout je m’évertue à sortir respirer l’air parisien. Car si je sais que celui de Versailles brûlera mon thorax le moment venu de rentrer, il n’empêche que j’aime assister à l’émulsion de la ville. Le temps d’un après-midi je me sens vivre. Certes par procuration, c’est cependant plus que ce que j’aurais pu espérer. Aujourd’hui pourtant je n’avais pas eu la possibilité de me promener. L’on m’avait confié le soin de réparer plusieurs illusions auprès de la jeune noblesse. Au regard des trémolos que connait la magie dernièrement, les réclamations fusent de toutes parts et c’est naturellement que l’on s’est tourné vers moi —même si l’on préfère généralement contenir mon pouvoir et ma personne au sein du château. Ce fut donc accompagnée de Kels, mon protecteur que j’aimais renommer en mon geôlier, que je m’étais occupée de deux bâtisses du septième arrondissement. Il m’avait fallu plusieurs heures pour parfaire le tout mais je fus finalement satisfaite de mon travail : il devrait tenir un bon moment. Du moins si la magie cessait le déclin qu’elle connaissait actuellement. Que serait Red Paris si on lui ôtait la grandeur de sa magie ? Je préférais ne plus penser. Au lieu de cela j’usai de mon énergie pour semer Kels. Après plusieurs tentatives, je finis par me retrouver seule. Le temps de plusieurs minutes, rien qu’avec moi-même. Rien ne méchant ne pourrait m’arriver.
Bientôt je me retrouve devant une maison qui dépeint avec le style du quartier. Même un humain aurait compris qu’une illusion aurait du se tenir là. Les quelques rayons de soleil ne suffisent plus à donner le bénéfice du doute. C’est une ruine, les pierres ont bien vécu et manquent presque de s’écrouler. Depuis là où je suis il m’est aisé de voir que le toit est aussi fin qu’une feuille d’or —les autres attributs de cette dernière en moins. Et alors que mon regard parcourt la structure, je découvre bientôt une femme qui s’apprête à ouvrir la porte d’entrée. Il me reste encore un peu de temps avant que Kels ne s’agace pour de bon et bien assez d’énergie pour donner un coup de main. “Bonsoir madame, excusez-moi de vous déranger en cette heure tardive.” Je marque une pause afin de lui permettre de me répondre. L’idée n’est pas de m’imposer ni de me montrer rude. Et quelle surprise se forme en mon esprit lorsque je découvre l’identité de l’inconnue dont les traits deviennent durs à mesure qu’elle se tourne vers moi. Mais que faisait-elle donc ici ? Non pas dans le septième arrondissement car c’est un quartier de bonne réputation. L’idée de me réveiller en face de la Tour Eiffel m’aurait tout autant charmée s’il l’était possible. La question qui surgit instantanément en moi est liée à cette clé que l’inconnue (qui ne l’est pas véritablement) tient dans sa main. “Nous nous sommes déjà croisées au Château… Je suis Weda.” Afin de rectifier mon oubli j’ajoute pressement. “Emery”. Car l’on me connaît pour mon appartenance à la famille royale, rien de plus. “Est-ce votre demeure ?” Que je demande innocemment. “Pardonnez mon indiscrétion mais l’on m’a envoyée dans le quartier réparer des illusions. J’ai terminé ce que je devais faire. Je peux vous aider si vous le souhaitez.” Il est toujours indélicat de se trouver dans pareille situation, or il n’y a rien de honteux : la magie de Red Paris décline, ce n’est un secret pour personne et si mon pouvoir trouve quelconque utilité alors je la mets volontiers au service de qui veut.
Livia Ortega
i'm an enhanced being
i live for the power i create
Re: where the secrets hide
La brune est enchevêtrée dans ses pensées. L'esprit emprisonné par son ambition, elle ne s'arrête jamais, imaginant les prochaines pièces à bouger sur l’échiquier de pouvoir. Elle réfléchis, tisse le fils de ses idées, anticipe d'éventuels obstacles, solutionne les problèmes avant même qu'ils ne se posent. La maudite contrôle le monde qui l'entoure avec un soin particulier, ne sachant trop bien qu'une erreur, aussi petite soit elle, pourrait la compromettre. Elle taille sa route, prenant machinalement le chemin de sa demeure, elle fonctionne par automatisme, afin de se focaliser sur l’essentiel. Une voix la soustrait violemment à ses manigances, lui rappelant qu'elle n'est jamais trop prudente, qu'elle ne doit jamais s'autoriser le moindre relâchement. « Bonsoir madame, excusez-moi de vous déranger en cette heure tardive. » Elle se fige, se tourne avec une lenteur exacerbée, craignant de découvrir le visage de cette nouvelle menace. Elle s'est préparée à ce genre d'éventualité, ne connaissant que trop bien les ratés des enchantements précaires qui maintiennent habituellement l'illusion sur sa demeure. L'Ortega laisse son pouvoir dégouliner de son être, elle le laisse s'étendre jusqu'à cette autre, jusqu'à ce qu'elle l'enveloppe délicieusement, laissant planer l'odeur enivrante du Jasmin en fleur. Les iris d'or vrille sur le visage de son interlocutrice, reconnaissable aux yeux de celle qui étudiait toutes les figures de cette noblesse qui l'insultait par leur simple existence, parce qu'ils étaient tout ce qu'elle, elle n'était pas. « Nous nous sommes déjà croisées au Château… Je suis Weda. » Elle marque une pause. Courte, car elle reprend, se sentant obligé de préciser. « Emery. » Of course you are. Furieuse pensée qu'elle garde entre ses lèvres scellées. La frimousse de la nymphe bascule sur le côté alors qu'un sourire vient fendre ses lèvres charnues. « Livia Ortega, enchantée. » Qu'elle susurre. Elle n'y met pas autant de forme qu'elle le devrait. Un mélange subtile entre politesse et simplicité, elle arrive à rendre chaque personne particulière, sans s'encombrer des règles qui régissent la royauté. « Est-ce votre demeure ? » Les iris se coulent sur le bâtiment, vestiges d'un temps passé et révolu. « Pardonnez mon indiscrétion mais l’on m’a envoyée dans le quartier réparer des illusions. J’ai terminé ce que je devais faire. Je peux vous aider si vous le souhaitez. » Une étincelle fait chanceler son cœur, sans que l'abominable n'en montre le moindre signe. Elle revient avec lenteur vers l'autre femme, un sourire accroché à ses lèvres, attitude légère et désinvolte. « Oui, ma famille occupe les derniers étages et nous avons aménager une serre sur les toits. Malheureusement, le propriétaire n'a plus les moyens d'entretenir les lieux... Mais nous ne pouvons nous résoudre à partir, il fait si bon vivre dans l'appartement. Il suffit de faire abstraction de ce décor... » Elle distille une part de vérité dans ses mensonges, la rendant bien plus crédible, plus authentique. Cela lui évite également de se perdre, de se mélanger. « Vous pensez pouvoir faire quelques choses? » Pour que Livia n'ait pas à payer grassement les services d'un illusionniste qui profiterait de son malheur pour lui soutirer bien plus d'argent qu'il n'en faudrait. Pourtant, elle s'en dédouane, pointe du doigt un autre coupable.
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