Elle a leur cœur au bord des lèvres, l'humaine, alors que la scène macabre reprend vie sous ses paupières papillonnantes. Souffle saccadée, le palpitant affolée, elle a couru pour échapper à la réalité et ainsi trouver refuge dans la splendeur de ces quartiers tranquilles où la nature reprend ses doigts. Elle se penche en avant, prenant appuie sur ses genoux pour ne pas tomber à la renverse. L'âme chasseresse est fragilisée par le spectre qui la pourchasse jusque dans ses rêves, l'arrache à la réalité, lui imposant de revivre la scène macabre de son corps précipité dans le vide, son sang souillant la coure du palais, ses iris accrochés aux néants alors que la vie dégueulait de son cadavre. Elle pince ses lèvres, plaque sa main contre sa bouche, empêchant ses tripes de se déverser sur les pavés. L'inflexible tremble, elle rêve de douleur, se heurte à son visage, qu'elle retrouve à la place des créatures qu'elle exécute. La vision est insupportable, elle en devient nauséeuse, elle abandonne les corps derrière elle, laissant au nettoyeur le soin de s'en occuper pour qu'elle puisse échapper à la torpeur. Elle n'en est pas moins redoutable, mais elle appréhende les instants qui suivent chaque mise à mort. Elle inspire et expire, profondément, son cœur bourdonnement furieusement à l'intérieur de ses tempes. Elle se redresse, fait quelques pas, tentant d'échapper à cette possession. Ses mains viennent camper contre ses hanches alors qu'elle s'immobilise, le regard s'accrochant à l'infini, elle fait le vide, tente d'échapper à ses souvenirs. Elle ne veut pas l'oublier, non, mais elle ne veut pas se souvenir de lui de cette façon... Elle veut s'accrocher à l'homme qu'il était. Vivant. Les larmes lui brûlent les yeux, sans qu'elle ne les autorise à les laisser couler... Parce qu'elle sent, cette présence. Un soupire franchit le seuil de ses lèvres, elle secoue sa frimousse à la négative avant de tourner les talons pour faire face à la sœur du défunt. « Depuis quand es-tu là? »

Déambulations macabres. Sans fin. Les jours passent, se ressemblent. Et les nuits sont plus sombres. Elle ne trouve aucun réconfort auprès des deux astres. Aspirée toute entière par la boucle du temps. Elle a parfois du mal à appréhender son monde Mavka. Malgré les deux années bientôt écoulées. Le souvenir encore vivace. Bien vivant au fond de son crâne. Visions d'horreur. Cauchemars dégueulasses. Elle a peur de sa propre ombre. Les ténèbres de sa chambre trop épaisses. Ses draps trop froids. Et toujours ce silence pesant. Il y a bien longtemps qu'elle n'a pas entendu le son naïf de son rire de gamine. Longtemps que les murs ne lui renvoient plus l'écho des chamailleries de ses frères et sœurs. Il n'y a plus que les miroirs pour lui rappeler son double. Présence rassurante. Fantôme qui l'apaise. Ça n'empêche pas les cauchemars d'affluer. Toujours plus nombreux. Chaque fois plus douloureux. Spirale infernale qui l'attire vers la folie. Elle a du mal à respirer Mavka. Plus rien n'a de saveurs. Elle n'apprécie que momentanément les joies matérielles de ce monde froid. Corps en décomposition. Tous déjà mort.

Déambulation qui n'a pas de sens. Les jardins encore vides, elle n'entends que les pas de son fidèle garde du corps. Ombre imposée. Ses doigts cherchent à toucher les pétales rebelles d'une rose rouge. Le geste reste en suspens. Le regard attiré par une vision aussi innatendue qu'inexpliquée. Elle se sent inexorablement attirée. Petite bête curieuse. Elle observe, discrète, silencieuse. Invisible. Elle reconnaît les signes Mavka. Elle-même souvent prise par ses angoisses. Le corps plongé dans une transe que rien ne peut arrêter. Personne pour voir encore moins savoir. Secret bien gardé. Une princesse n'a pas peur. "Assez longtemps pour reconnaître le mal qui t'affliges Avalon." Étrange miroir. Elles n'ont pas grand chose en commun la Turgenev et la Ketarova. Une amitié teintée de blessures. Un empire brisé. L'amour pour un empereur déchu. Mais leurs idées divergent. Entités différentes. Faites d'un moule différent. Il n'y a rien de doux chez Mavka. Beauté froide à la voix sifflante. Indifférente à la blonde qui se tient devant elle. Ni amie ni ennemie. Souvenir d'une vie à tout jamais perdue. C'est douloureux mais Mavka prend sur elle. "Asseyons-nous un moment. Cela te permettra de mieux respirer." Mielleuse, d'une gentillesse déconcertante. Loin, si loin, de la Mavka impitoyable. Il y a encore un cœur qui bat dans sa poitrine. Elle invite Avalon à la suivre jusqu'à un petit banc de pierres brutes, usé par le temps. Les âges de ce monde qui passent sans se soucier de savoir qui vit, qui meurt. Combien d'autres se sont assis à cet endroit ? "Sèche tes larmes." Commande qui ne souffre aucun refus. Faiblesse qu'elle déteste. Les larmes sont choses privées. Mavka n'en versent que dans l'intimité de sa chambre. Quand seul son reflet peut la juger. Evdokiya.

« Assez longtemps pour reconnaître le mal qui t'affliges Avalon. » Un soupire fend les lèvres de la chasseresse alors qu'elle se détourne de la princesse déchue, ses bras se croisant contre sa poitrine, protection entre elle et le monde, entre elle et ces foutus sentiments qui l'assiègent. Elle fait quelques pas, essaye d'échapper à cette débâcle émotionnelle, de retrouver un semblant de contrôle. Mais ça fait longtemps qu'elle ne fait plus illusion, la fille de glace, non, elle se planque derrière ce personne, cette créature assassine et intransigeance. La vérité c'est qu'elle ne pense plus, elle s'abandonne à la traque sans même y réfléchir, déversant son mal de vivre dans la violence de ses actes, elle se contente d'exécuter, pour ne plus avoir à penser à quoi que ce soit. Pourtant, la réalité revient la prendre au tripe lorsque le cadavre s’effondre dans le liquide carmin, lorsque le visage de l'empereur vient prendre la place des morts qu'elle sème sur son passage. « Asseyons-nous un moment. Cela te permettra de mieux respirer. » Un nouveau soupire, alors qu'elle vient braquer ses iris translucides vers l'inhumaine. Elle s'en détourne à nouveau pour faire quelques pas, s'arrêter, les mains sur les hanches et finalement venir prendre place au côté de la créature. Elle ne la regarde pas, laisse son regard s'évader dans le lointain, d'échapper à cet instant présent, elle est si proche de lui et pourtant si loin, terriblement loin. Son cœur se tord, réveillant la douleur lancinante que le Ketarova avait fait naître en se donnant la mort. « Sèche tes larmes. » Elle se mord la lèvre intérieur, pour se détourner de la douleur vive qui s'empare de son être, le malaise l'enseveli, l'asphyxie, elle crève de douleur, elle a du mal à respirer. Elle inspire et expire, profondément, ses mains venant s'accrocher furieusement contre ses genoux « Comment tu fais? Pour vivre? Pour continuer? Comment est-ce que tu fais, alors qu'ils sont là, à se pavaner sur le trône, son trône, en exhibant sa couronne? Comment est-ce que tu le supportes? » Sa voix se brise, trahi les écorchure de l'amoureuse qui ne s'est jamais déclarée.

Elle ne vit plus Mavka. A peine consciente d'exister. Elle est tout simplement. Vie brisée par l'absence. Elle avance comme dans un rêve. Un cauchemar éveillé. Avec dans le cœur la vengeance. Rancœur douloureuse. Des envies de mort. Détruire pour mieux se reconstruire. Illusions tenaces. Elle y croit Mavka. Consciente de ses faiblesses. Certaine qu'elle s'effondrerait sans ce besoin viscéral d'anéantir une lignée toute entière. Il n'y a pas d'innocents. Seulement des êtres trop faibles pour se soulever. Oser parler. Son innocence à elle on l'a bafoué. On lui a craché dessus. A jamais anéantie la gamine insouciante. La fillette aux mille et un rêves. Il n'y en a plus qu'un qui compte. Rêve teinté d'horreur.

"Je serre les dents." A s'en faire crisser les dents. Jusqu'à sentir le goût du sang envahir sa bouche, chatouiller sa langue. Douleur qui lui rappelle qu'elle est en vie. Sensations réelles. Besoin d'exister pour batailler. Demain espérer gagner. Elle n'a pas le choix. Son libre arbitre violemment arraché. Comme ses rêves de gamine. Deux vies perdues. Et combien anéanties ? Qu'importe que leurs idées divergent. Qu'importe les querelles. Au bout des ongles la même envie. Le même besoin de vengeance. Qu'enfin justice soit faite. Faire éclater la vérité d'un claquement de doigts. Après ça elles pourront à nouveau se jauger. Regards en biais, sourires mal assurés. Confiance pas acquise. Elles se tournent encore autour. Deux louves méfiantes. Prédatrices dangereuses.

L'amour d'Avalon pour son frère n'était pas un secret. En revanche, les secrets de Ren, il n'y a qu'elle pour les faire vivre. Réminiscences désastreuses qui tournoient dans sa tête. Elle sait Mavka. Et ça change tout. Ça rend tout terriblement plus pénible. "Je n'ai pas vraiment le choix." Elle doit suivre. Se plier à l'avis général. Accepter. Attendre patiemment que vienne son heure. Chacune de ses inspirations est plus difficile. Chaque pas plus ardu. Et voir Avalon se battre avec ses propres poumons lui donne la nausée. Elle lâche un soupir discret, pas franchement à l'aise. "J'espère que ça ne t'arrives pas face à lui." Elle ne peut se résoudre à prononcer son nom. Poison lancinant.

« Je serre les dents. » Elle soupire la poupée blonde, secouant son minois à la négative. Elle ne peut accepter cette réponse. Elle veut plus, simplement plus que de subir en silence alors que les responsables continuaient à vivre leur vie, s'appropriant tout ce qui avait été à lui auparavant. Elle ne peut l'accepter. La mascarade avait déjà suffisamment durée. Ils auraient du réagir bien plus tôt. Ils n'auraient pas dû les laisser faire... Et pourtant, elle était là, Avalon, elle savaient qu'ils n'avaient eu d'autres choix que se soumettre... Pour espérer se battre à nouveau. Mais le temps n'était-il pas venu de s'élever pour demander réparation?  « Je n'ai pas vraiment le choix. » On a toujours le choix, non? Mais certains choix s'avérait bien trop risquer. Elle se perdait, rongée par la culpabilité, tiraillée par l'esprit de vengeance. Ses mains viennent se poser de part et d'autre de son corps pour venir se crisper contre la banquette de bois. Sa mâchoire se crispe et son regard vient à se perdre dans le vide. La colère dévore un à un la tristesse qui avait embrumé son âme, monstre dévastateur qui détruit tout sur son passage, pour s'accaparer son être tout entier. « J'espère que ça ne t'arrives pas face à lui. » Une râle franchit le seuil de ses lèvres, un grognement, presque bestial. Elle se redresse comme pour échapper à cet instant, pour éviter que la créature ne déverse sa rage sur le monde. Elle fait quelques pas, les mains camper sur ses hanches, elle inspire et expire, tente de retrouver son calme, son impassibilité. Elle met quelques instants à redevenir la chasseresse Turgenev, poupée froide et inébranlable. Elle en revient alors vers la princesse déchue. « Il a beau être mon cousin. Je ne le vois que lorsque j'en suis obligé, c'est à dire très peu souvent... Lorsque c'est le cas, je me prépare en conséquence, pour que jamais il ne se doute qu'un jour, je viendrais pour lui et sa sœur. » La créature assassine hausse finalement les épaules et laisse échapper un nouveau soupire. Ses iris profondément ancrée dans celles de la Ketarova. « Mais ces corps... Ils me font revivre ce jour et c'est insupportable. Il est partout. »

Elle aimerait tant ne pas réfléchir. Foncer tête baissée dans la mêlée. Ne pas avoir perdu ces deux précieuses années. Elle rêve d'estomper la douleur jusqu'à ne plus rien ressentir. Combien de fois s'est-elle imaginé une autre vie ? Oublier qui elle est. Effacer les souvenirs. Bons comme mauvais. Elle se rêve serpent, vipère assassine. Et au réveil, la douleur lui transperce l'âme, la laisse vide. Réalité amère. Soumise aux lois de ce Paris sans pitié. Obligée à courber l'échine. Elle apprend la patience Mavka. A grands coups de poings, aux éclats de furie. Des cris à vous déchirer les tympans. On a fait ce choix pour elle. Pour qu'elle survivre. Pour ne pas que meure le nom de Ketarova. Pour qu'Evdokiya vive encore. Enfermée dans sa propre peau. Serpent à deux têtes.

Elle ne peut pas s'empêcher d'observer la Turgenev. Si proche et pourtant si loin. Sans jamais la toucher. Elle se refuse à tout contact Mavka. Refuse l'amitié qui pourrait éclore, naître du chaos. De leur chagrin partagé. Miroir brûlant. Parce qu'elle se brûlerait Mavka. Immanquablement. Plus question de s'accrocher aux autres, d'accorder rien qu'un peu de confiance. Elle ne veut plus faire de pas en avant. Certaine de finir les yeux grand ouverts, l'ichor carmin noyant ses cheveux d'ébène. Vision d'horreur tatoué sur chacune de ses rétines. Images impossible à oublier. Peut-être qu'Avalon partage son cauchemar. Silhouette impeccable de droiture. Beauté froide. L'éclat de ses cheveux rappelant trop ceux des Romanov. Le lignage impossible à nier. Et pourtant, elle brille d'une détermination qui ressemble à celle de Mavka. Elle lui trouve une force, une aura. Un quelque chose qui la pousse à cracher des demies vérités. A écouter attentivement. Besoin insatiable de se créer des alliés.

« Tu sais qui il est désormais et c'est un avantage. » D'autres savent. D'autres s'en servent. Tous à sa botte, prêt à tout pour un morceau de pain. Mavka, elle, patiente. « Nous autres femmes n'avons pas le luxe d'être faible. » Pas comme eux. Elle ose un sourire en coin, approuvant les mots durs, les pensant même. « Tu ne sera pas seule. » Combien seront là à observer la danse macabre ? Combien participeront à la chute mortelle ? Mavka, elle, sera aux premières loges. Le venin dégoulinant de ses crocs. La bouche ouverte en un sourire diabolique. Pour l'heure, il n'y a que ses yeux qui brillent. Lueur d'espoir diluée qui disparaît en une fraction de seconde. Trop vite remplacée par cette tristesse qui l'étreint un peu plus chaque jour. « Je sais. » qu'elle soupire dans un murmure. Fragilité par franchement acceptée. Faiblesse qui la dépasse, dont elle ne se défait pas. « Ils sont là, nuit et jour. » Dans le vent, dans un murmure, dans un rire. Sur les murs du palais, sur les pavés. « Dans mon miroir. » Tous les jours à chaque instant. Souvenirs douloureux.

« Tu sais qui il est désormais et c'est un avantage. » Elle n'en était pas certaine, la chasseresse, elle avait beau savoir qu'elle ne pouvait faire confiance au faux-roi, elle ne connaissait pas toutes les facettes de ce monstre, il représentait un mystère, une part d'ombre dont elle ne pouvait deviner la noirceur. L’énigmatique Romanov représentait un mystère qu'elle ne pouvait résoudre... Et pourtant, elle n'avait pas d'autres choix que de se heurter à lui, à ses démons, à ses failles et à toutes ces atrocités qu'il avait perpétrer. Elle devait le connaître pour mieux se venger, pour le toucher, là où cela lui ferait le plus mal, puis l'éliminer, de la pire des façons qui soit. Elle s'en était fait la promesse. « Nous autres femmes n'avons pas le luxe d'être faible. » L'injustice lui crève le cœur. Un couteau qu'on lui plante dans le dos, la ramenant à sa condition de femme pour la dénigrer, la rabaisser, pour lui rappeler qu'elle ne sera jamais à la hauteur d'un homme. Elle désespère de ce monde, de ses incohérences, de ses injustices furieuses qui grouille sur la terre façonné par le divin. «  Tu ne sera pas seule. » Le regard azure de l'âme vengeresse se soulève avec lenteur vers la princesse déchue. Elle n'était pas seule, mais en fait, elle l'était complètement... Parce que si elle fermait les yeux, elle ne pouvait éternellement oublié la véritable nature de ceux qui avançaient à ses côtés, non, elle ne pouvait oublier l’emprunte démoniaque qui résonnait en elle. « Je sais. Ils sont là, nuit et jour. Dans mon miroir. » Les lèvres se pincent l'une contre l'autre, alors que son regard s'abaisse, honteuse de cette accaparée la tristesse de cette perte alors que Mavka avait perdu bien plus qu'elle ne saurait l'imaginer. Elle ne se sentait pas légitime d'être aussi touchée à ce point par la perte de l'empereur. Elle n'avait pas perdu un frère, non, un amour qui non partagé, un rêve, une utopie. Elle s'accrochait à l'espoir qu'il ait pu un jour l'aimer, utilisant sa mort comme excuse pour devoir renoncer. « Je suis désolée. » Pour tout. Parce qu'elle n'avait pas le droit de lui voler son deuil.

Keep your friends close and your ennemies even closer. Il n'y a plus que deux camps : sa famille et les autres. Leçon apprise. Elle ne laisse rien au hasard Mavka. La partie loin d'être terminée. Gamine qui se croit en charge de son destin. Certaine d'être celle qui maîtrise la situation. Elle se noie Mavka. Guidée par ses émotions. Sa tête lui fait défaut. Depuis toujours. Elle a pourtant tout ce qu'il faut. L'intelligence, la logique. Elle connaît tous les secrets de ce monde. Et des autres. Mais elle laisse encore et toujours son cœur décider. Morceau d'elle déchiqueté qui bat encore. Elle joue volontiers le jeu des apparences. Spécialité qui lui colle à la peau depuis ce jour maudit où elle a hérité de ses pouvoirs. Elle change pour arriver à ses fins. Et peu importe qui elle est, l'objectif reste le même. Elle ne l'a jamais perdu de vue Mavka. Son reflet comme rappel constant. Blessure qui ne guérira jamais. Et peut-être que c'est mieux ainsi. Elle se défini comme ça désormais. Enfant devenue femme en une fraction de seconde. Elle a changé pour le meilleur et le pire. Impossible de revenir en arrière.

« Ne le sois pas. » Les mots claquent dans l'air et le visage se ferme. Elle en a assez des excuses. Pitié qui se lit dans chacun des regards. Assez d'être une victime. Ces mots elle ne veut plus jamais les entendre. Pas même de la bouche des jumeaux Romanov. Surtout pas. Il n'y a que la vérité qui compte. Les sentiments ne font pas parti de l'équation. Elle n'y croit plus. Incapable d'entendre le moindre mot sympathisant. Incapable de croire qu'on puisse encore être dans son camp. Elle toise Avalon, la mâchoire serrée par l'agacement qui brûle au fond de son ventre. Tempête silencieuse. « Ça ne les ramènera pas. » Les jeux sont faits.

Elle pose sa main sur celle d'Avalon. Geste d'une simplicité qui en dit long. Moment unique, trop rare. Mavka prend sur elle. Elle accepte de baisser sa garde. Risque calculé. Fausse confiance accordée. Un mensonge de plus qui flotte au-dessus de sa tête. « Ils ne gagneront pas. » Jamais. Promesse silencieuse. Elle refuse de les voir gagner une année de plus. « Est-ce que je peux compter sur toi ? »

« Ne le sois pas. » Elle est dure, implaccable, cette princesse déchue qui agit comme une Reine. Elle les avait toujours admirée, ces filles forgées dans la grâce et l'élégance, ces grandes dames enveloppées d'une aura exquise et imposante, ces créatures charismatiques, d'une beauté irréelle, presque cruelle. Les Yesfir et les Mavka de ce monde lui rappelait tout ce qu'elle n'était pas, elle, l'âme assassine, la chasseresse, elle n'était rien de plus qu'une main armée, messagère divine de la purge magique, envoyée par le divin pour restauré l'humanité. Elle scrutait la divine Ketarova, l’insaisissable... Mais elle n'était pas dupe, pas plus qu'elle n'était naïve, elle savait que la haine silencieuse qui opposait les Ketarova au Romanov finirait en guerre ouverte, en confrontation inévitable, écrite dans les étoiles. « Ça ne les ramènera pas. » Elle se pince les lèvres. Non, les pleurer ne les ramènera pas... Mais la vengeance non plus. Pourtant, Avalon avait besoin de l'un comme de l'autre pour avancer, pour apprendre à vivre sans lui, pour redécouvrir ce monde qui semblait vide et dépourvu de saveur. Elle hausse les épaules, détourne son regard pour le laisser errer sur les environs. Elle s'apaise, se calme, elle trouve du réconfort dans les mots qu'elle ne dit pas, qu'elle ne prononce pas, les sentiments qu'elle n'extériorise pas. Avalon n'est décidément pas comme elle, elle ne fait pas aussi bien semblant. La main qui se pose sur la sienne la ramène à elle. « Ils ne gagneront pas. » C'était là que vos points de vue divergeait. Lorsqu'un était dévorée par la vengeance, l'autre aspirait aussi à récupérer la couronne... Mais la Turgenev savait, que la couronne ne pouvait retourner au main des Ketarova, bien trop ouverte sur les créatures magiques, bien trop différentes du monde tel que sa propre famille le voyait. « Est-ce que je peux compter sur toi ? » Elle pince ses lèvres, laisse échapper un soupire alors qu'elle se redresse, laissant sa main glisser pour se séparer de cette de la brune. Elle la regarde longuement cherchant les mots pour ne pas la heurter. « Mes cousins tomberont pour ce qu'ils ont fait à ... Ton frère. » Elle n’arrive pas à prononcer son nom à haute voix. Il reste coincée dans sa gorge. Une blessure douloureuse. « Mais c'est tout ce que je peux t'offrir. »Franchise exacerbé. Ava n'est pas une garce manipulatrice, elle ne va pas prétendre à une allégeance qu'elle ne cédera à nul autre qu'un Turgenev... Faute d'avoir l'empereur que son cœur désire.